« Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous empêcher de reconnaître qu’une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres. »
Le pape François, Laudato si' §49

A partir de la lettre du pape, entendre « les clameurs » pour habiter autrement « notre maison commune », la planète terre.

L'accélération

Nous avons sans cesse l’impression d’être débordés et que tout va trop vite. Le pape François emploie le mot de rapidación : « L’accélération continuelle des changements de l’humanité et de la planète s’associe aujourd’hui à l’intensification des rythmes de vie et de travail, dans ce que certains appellent “rapidación”. » (§18). Et si on acceptait nos limites ?

La course effrénée à la nouveauté nous occulte l’essentiel, (« il devient difficile de nous arrêter pour retrouver la profondeur de la vie » §113), sans compter qu’elle impose à la terre un rythme qu’elle ne peut plus suivre (épuisement des ressources naturelles, déforestation…). Si nous osons ralentir, peut-être pourrons-nous remarquer ce qui importe vraiment, et nous laisser toucher par l’intensité de la rencontre. « On peut vivre intensément avec peu, surtout quand on est capable d’apprécier d’autres plaisirs et qu’on trouve satisfaction dans les rencontres fraternelles » (§223).

Sortir de la rapidación, ne plus être débordé, explique Cynthia Fleury, suppose d’abord de « mettre des bords » à notre vie, et d’accepter une forme de limite. La limite la plus évidente est d’ailleurs sans doute celle de notre fragilité : les personnes en situation de handicap sont en cela porteuses d’une leçon cruciale (voir la vidéo Sur le seuil).

Plus largement, Laudato si' nous rappelle que « nous sommes appelés à inclure dans notre agir une dimension réceptive et gratuite, qui est différente d’une simple inactivité. » (§237). Accepter certaines limites pourrait dès lors ne pas être une contrainte, mais au contraire une réelle ouverture à l’accueil de l’autre, à de meilleures relations avec la nature, et à une acceptation de soi, dans une intériorité plus profonde. L’exemple de la vie religieuse donné dans la vidéo En construction ! est une possibilité parmi tant d’autres pour emprunter ce chemin.

Sur le seuil

Face à l'accélération

Quel rapport au temps le handicap force-t-il ? Comment accepter de ne pas pouvoir suivre le rythme toujours plus rapide de la société ? Comment accepter de ralentir les autres ?

Vidéo réalisée grâce à la Pastorale des personnes handicapées (Conférence des Evêques de France, service national "Famille et société").

La culture du déchet

« La culture du déchet affecte aussi bien les personnes exclues que les choses, vite transformées en ordures. » (§22), dénonce le pape François. C’est toute notre relation au monde, et donc aux autres, qui est à repenser.

Ces relations biaisées se fondent sur nos habitudes de consommation. La valeur d’une chose ou d’une personne se réduit souvent à l’assouvissement de nos désirs. « C’est la même logique du “utilise et jette”, qui engendre tant de résidus, seulement à cause du désir désordonné de consommer plus qu’il n’est réellement nécessaire. » (§123) Nous utilisons, et nous jetons. Cette relation au monde est-elle durable ? « Déjà les limites maximales d’exploitation de la planète ont été dépassées, sans que nous ayons résolu le problème de la pauvreté. » (§27)

A l’inverse, le pape propose de prendre exemple sur saint François d’Assise, figure de pauvreté choisie et de contemplation de la beauté du monde. À son école, les éléments, les animaux, tout le créé devient « frère » et « sœur », dans une véritable communion dans l’amour du Père. « La pauvreté et l’austérité de saint François n’étaient pas un ascétisme purement extérieur, mais quelque chose de plus radical : un renoncement à transformer la réalité en pur objet d'usage et de domination. » (§11) Si nous ne sommes pas tous appelés à vivre la même radicalité que François d’Assise, la culture du déchet nous concerne concrètement dans notre vie quotidienne, et la modification de nos habitudes est un changement à portée de main !

Sur le seuil

Que ressentons-nous lorsque nous sommes "utilisés et jetés", lorsque nous sommes rejetés, lorsque la culture du déchet s'inscrit dans nos chairs ? Ici témoignent Josiane, Kamel et Gérard. Josiane a connu la prostitution pendant 40 ans. Kamel et Gérard ont vécu la galère de la rue durant plusieurs années.

Ces témoignages ont été recueillis grâce à l'association Aux captifs la libération.

Notre cadre de vie

Le pape porte un regard critique sur la « croissance démesurée et désordonnée de beaucoup de villes » : le chaos urbain, la pollution visuelle et sonore blessent notre bien-être physique et psychique ; ils nuisent à notre développement spirituel comme au lien social. Charge à nous de transformer notre environnement quotidien !

Vivre dans le bruit, les écrans et le tout-béton dessert une vie humaine sensible et sage, lit-on dans Laudato si' : « Les habitants de cette planète ne sont pas faits pour vivre en étant toujours plus envahis par le ciment, l’asphalte, le verre et les métaux, privés du contact physique avec la nature. » (§44) Un tel cadre de vie « facilite l’apparition de comportements inhumains » et « favorise les conduites antisociales et la violence. » (§149). Les détenus du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne témoignent de cette souffrance d’un éloignement de la nature.

À l’inverse, l’encyclique Laudato si' invite à améliorer la qualité de vie pour permettre un développement intégral. Elle ouvre la voie d’un émerveillement devant la beauté du monde, qui est une « révélation continue du divin » (§85). Et elle nous assure que, même dans un environnement inadapté, une vie bonne est possible : grâce à l’amour qui « est plus fort », « l’entassement [peut se transformer] en expérience communautaire. » (§149).

Que faire pour se réapproprier l’espace (voir L’éclairage de l’architecte Doina Petrescu) ? « [Q]uand un environnement est désordonné, chaotique ou chargé de pollution visuelle et auditive, l’excès de stimulations nous met au défi d’essayer de construire une identité intégrée et heureuse. » (§147)

Sur le seuil

Ils sont incarcérés pour quelques mois ou plusieurs années. Entre quatre murs de béton et des fenêtres grillagées, ils témoignent de cette rupture vitale, celle avec la nature.

Vidéo réalisée grâce au soutien de l'Aumônerie catholique des prisons, tournée au Centre Pénitentiaire de Poitiers-Vivonne.

Notre relation à la création

Que veut dire, concrètement, retrouver une juste relation à la création ? Quelle est la responsabilité de l’humain sur terre, envers les autres créatures ?

Le pape François souligne « que les textes bibliques nous invitent à “cultiver et garder” le jardin du monde (cf. Gn 2, 15) […] Cela implique une relation de réciprocité responsable entre l’être humain et la nature. » (§67) Cultiver tout en gardant, transformer tout en préservant, habiter en prenant soin… Voilà ce que nous propose l’écologie intégrale – c’est-à-dire un bouleversement de nos habitudes et de nos styles de vie ! La conversion intérieure à laquelle appelle le pape est plus radicale encore qu’un changement de modèle économique. Lorsqu’il évoque « une relation de réciprocité responsable entre l’être humain et la nature », il s’agit bien de saisir la qualité de cette réciprocité. L’humanité, en contemplant, en s’émerveillant, accueille et accepte « le monde tout entier comme don du Père et maison commune » (§155). Elle prend le temps de regarder et de recevoir le monde, pour se laisser toucher par l’harmonie et le mystère du créé. « La beauté sauvera le monde », écrit Dostoïevski dans L’Idiot. « Prêter attention à la beauté, et l’aimer, nous aide à sortir du pragmatisme utilitariste » (§215) et nous élève à une certaine compréhension de ce qu’est Dieu. Se laisse transformer, donc, pour permettre en retour un épanouissement de la Création par le travail. L’être humain est en effet responsable de la terre, qui lui a été confiée, et dont il peut être le co-créateur : « En réalité, l’intervention humaine qui vise le développement prudent du créé est la forme la plus adéquate d’en prendre soin, parce qu’elle implique de se considérer comme instrument de Dieu pour aider à faire apparaître les potentialités qu’il a lui-même mises dans les choses » (§124). Il s’agit ainsi de sortir de la vision d’une nature qui serait seulement l’« environnement » des actions humaines, et aux ressources illimitées.

Sur le seuil

Ludivine se sent exclue de la société par bien des biais. Quel rôle la nature et son rapport à l'animal jouent dans le chemin vers une dignité retrouvée ?

Cette vidéo a été réalisée grâce à la communauté du Sappel, qui partage la foi avec des familles du quart-monde.

Un "nous" à construire ensemble

Agir ensemble suppose de nouer de liens avec les autres, et la prise de conscience de ce que le pape appelle un « nous ». Nous le « construisons ensemble », nous rappelle-t-il : un défi qui s’adresse d’abord à chacun d’entre nous, avec nos aprioris et nos habitudes.

L’architecte Doina Petrescu insiste sur l’importance de penser l’espace pour permettre le lien social. Lorsque des lieux sont réinvestis par les projets communs, un sentiment de citoyenneté émerge, ainsi qu’un engagement social et politique. Ces propos résonnent avec Laudato si’ : « Toute intervention dans le paysage urbain ou rural devrait considérer que les différents éléments d’un lieu forment un tout perçu par les habitants comme un cadre cohérent avec sa richesse de sens. Ainsi les autres cessent d’être des étrangers, et peuvent se sentir comme faisant partie d’un “nous” que nous construisons ensemble. » (§151) Mais rien n’est simple, reconnaissent les jeunes d’Argenteuil (Sur le seuil). « Quelles représentations avons-nous des jeunes qui vivent dans des pavillons ? Et quelles représentation ont-ils de nous, “jeunes de cité” ? » Leur démarche fait prendre conscience que vivre ensemble commence par faire tomber les barrières en nous ! Le lien social aiguise notre conscience citoyenne, bien au-delà de notre quartier. En effet, nous comprenons qu’il faut collaborer à tous les niveaux pour sauvegarder notre maison commune. Il est important d’agir ensemble, de dialoguer, de créer des ponts parce que « le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous » (§14). Mais comment prendre conscience que « nous sommes une seule famille humaine » habitant la même « maison commune » quand nos choix fabriquent l’inégalité (L’éclairage de F. Dubet) ? C’est à ces multiples défis que nous sommes confrontés. Commençons à petite échelle car vivre ensemble c’est déjà supporter (voire aimer) son voisin, concrètement. C’est, comme les jeunes d’Argenteuil, dépasser ses représentations biaisées pour sortir de soi et aller vers l’autre.

Sur le seuil

Nelson, Amayas, Aymane et Redouane vivent à Argenteuil. A côté de chez eux, dans la même ville, vivent dans des pavillons des jeunes du même âge, des "babtous fragiles". Comment penser un "nous" quand nos regards sont pétris de représentations ? Ensemble, ils empruntent un chemin de transformation. Un processus qui nous concerte tous !

Vidéo réalisée avec l'association Le Valdocco grâce à la participation de Amayas Hamidami, Aymane Mayrourg, Nelson-Thomas Ndoumbe, Redouane Mostefaoui, Hamza Bouaoud, Adeline Chastenet et Arthur Massiet du Biest.

Nos cultures, notre avenir

Le pape nous invite à recréer le lien social que les dérives de la modernité ont amoindri. Comment ? En se rencontrant, en dialoguant, en développant des projets communs. C’est en croisant nos désirs que nous bâtirons un avenir commun !

L’encyclique Laudato si' insiste sur l’importance des initiatives locales, des projets à petite échelle, pour contrer la crise du politique. Grâce à ce « nous » que nous construisons, nous créons finalement des valeurs communes, en même temps que nous reconnaissons des traditions et des cultures que nous nous transmettons.

Ainsi, autour des associations qui interviennent en faveur du bien commun, « se développent ou se reforment des liens, et un nouveau tissu social local surgit. Une communauté se libère ainsi de l’indifférence consumériste. Cela implique la culture d’une identité commune, d’une histoire qui se conserve et se transmet. » (§232)

Dans la création de ce nouveau tissu culturel, il est un point crucial : revendiquer nos identités implique toujours de reconnaître celles des autres. La diversité des traditions est une richesse, nous dit François. « La vision consumériste de l’être humain, encouragée par les engrenages de l’économie globalisée actuelle, tend à homogénéiser les cultures et à affaiblir l’immense variété culturelle, qui est un trésor de l’humanité. » (§144)

Et de fait, si la réponse à la crise socio-économique globale repose sur la construction d’un avenir commun, cette solution ne pourra faire fi des diversités culturelles. L’alliance des différences, sans homogénéisation, représente une force indispensable dans ce processus !

Sur le seuil

Qui sommes-nous ? Quels désirs avons-nous en commun ? Quel est cet avenir que nous partagerons ? Ces questions philosophiques, ces jeunes français et étrangers les abordent ensemble car c'est ainsi qu'ils imaginent l'avenir !

Cette vidéo a été réalisée avec le programme Welcome Jeunes de JRS France.